mercredi 18 décembre 2013

Parti de la gauche européenne : vers un projet de refondation pour l’Europe ?


Le Parti de la gauche européenne (PGE) a tenu son IVe congrès du 13 au 15 décembre à Madrid en présence de plus de 300 délégué-e-s (26 partis membres et 7 observateurs) et une centaine d’invité-e-s (parmi lesquels la délégation d’Ensemble ! MAGES). 

D’une certaine manière, ce congrès a été celui de la consolidation et de la maturation du PGE. En effet, celui-ci a renforcé sa cohésion et passe progressivement d’une confédération de partis nationaux à un véritable parti européen, et ce malgré certaines réticences de formations nordiques et de l’est du continent historiquement hostiles à la construction européenne. 


Les questions économiques, la lutte contre les politiques d’austérité imposées par la Troïka et la régression démocratique ont été au cœur des débats. Le PGE s’est fixé comme objectif d’occuper un rôle plus important dans la lutte politique et de construire un front politique et social européen capable de peser davantage sur les orientations : « Ce front doit ouvrir la voix de l’unité et de l’espoir pour les peuples européens en vue de refonder une structure régionale de peuples libres et souverains associés à un programme de progrès social, démocratique, économique et écologique, de paix, basés sur les principes de respect de la souveraineté et du patrimoine culturel, politique et social. » 

Le congrès a adopté à une très large majorité le principe de trois initiatives majeures : une campagne d’action pour s’opposer aux négociations et au projet de grand marché transatlantique (Transatlantic Free Trade Area) ; un sommet sur la dette à Bruxelles en mars prochain ; l’organisation d’un Forum européen des Alternatives à l’automne 2014 (un espace politique nouveau ouvert aux forces politiques, sociales et syndicales). Il participera également à la manifestation Blockupy à Francfort à l’occasion de l’inauguration du nouveau siège de la Banque centrale européenne en mai 2014. 

La nouvelle présidence collégiale du PGE pour les trois prochaines années est composée de Pierre Laurent (PCF), qui a été réélu président à 78,6 %, Alexis Tsipras (Syriza), Marisa Mattias (Bloc de gauche), Maite Mola (Parti communiste espagnol), Margarita Mileva (Gauche bulgare) et le trésorier Diether Dehm (Die Linke). 

Les congressistes ont également décidé à 84 % des voix de proposer la candidature d’Alexis Tsipras (SYRIZA) à la présidence de la Commission européenne lors des prochaines élections européennes au printemps prochain. Le mandat est de dénoncer les politiques d’austérité, de proposer la refondation de l’Europe et non de cautionner la commission et les institutions européennes. La candidature de Tsipras devra notamment s’opposer à celle de Martin Schulz, social-démocrate allemand, dont le parti, le SPD, vient de faire le choix de s’allier à Angela Merkel et aux conservateurs pour constituer une coalition d’austérité en Allemagne et en Europe. La résolution politique générale a été adoptée à 85,3 % et les axes programmatiques assez généralistes pour les élections européennes à 86 ,4 %. (http://www.european-left.org/fr

De nombreuses motions de soutien à l'indépendance du Sahara occidental, à la révolution bolivarienne au Venezuela, aux peuples palestinien et kurde et sur la Syrie, contre le blocus de Cuba, ont recueilli de larges majorités. D’autres motions comme celle sur le soutien aux révolutions du monde arabe n’ont pas été adoptées. 

Une motion sur l’écosocialisme présentée par le Parti de gauche et soutenue par le Bloc de gauche (Portugal), l’Alliance rouge et verte (Danemark), Die Linke (Allemagne) et Syriza (Grèce) n’a obtenu qu’une majorité relative (47,6 % pour, 42,9 % contre et 9,5 % d’abstention). Elle se distingue clairement des solutions de capitalisme vert et trace la voie d’un projet politique que le PG veut porter à l’échelle européenne. 

Le PGE a également entériné une modification statutaire en créant une troisième catégorie de participation en sus de celles de membres et d’observateurs, il s’agit de celle de partenaires. C’est à ce titre, que le réseau Transform’ pourra collaborer avec le PGE. Comme il est de coutume, ce congrès a été ponctué de nombreuses interventions d’invité-e-s (palestinien, colombien, cubain, kurde, vénézuélien, etc.). Et, pour la première fois dans un congrès du PGE, celles de syndicalistes : Ignacio Fernández Toxo pour les Commissions ouvrières espagnoles et Bernadette Ségol, Secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES) qui a reconnu dans le PGE un partenaire avec lequel il faut travailler. 

Mais une intervention a particulièrement concentré toutes les attentions, il s’agit de l’adresse d’Álvaro García Linera, vice-président de la République plurinationale de Bolivie. Dans un discours éloquent, il a fustigé le repli de l’Europe sur elle-même et son absence d’ambition, des gouvernants qui « n’écoutent pas les peuples mais servent les banquiers, appliquent une politique d’austérité, développent le grand marché transatlantique. (…) ». Il a dénoncé l’hégémonie du capitalisme qui poursuit son accumulation au détriment de l’écosystème. Mais pour mieux préciser que l’indignation ne suffira pas et qu’il convient de travailler sur des propositions pour redonner espoir aux opprimé-e-s et formuler six propositions à partir de l’expérience de la Bolivie. Il a conclu en indiquant que la politique, « c’est d’abord convaincre et cette conviction exige que nous luttons, luttons, luttons. Nous ne sommes pas seuls, nous avons besoin de vous nous avons besoin d’une Europe qui illumine le monde et le destin humain. » 

Le congrès du PGE a incontestablement franchi un cap vers la construction d’un véritable parti européen sous l’impulsion de certaines de ses composantes qui semblent y disposer d’un poids déterminant : allemande (Die Linke), espagnole (Gauche unie), française (PCF), grecque (SYRIZA), portugaise (Bloc de gauche). 

D’un point de vue politique, on peut regretter que les références à l’Europe forteresse et la défense des migrants, les rapports avec le sud de la Méditerranée aient été très peu évoquées. Par ailleurs, la place de l’écologie reste très faible dans les textes, même si le Parti de gauche français a proposé plusieurs amendements. Ce dernier aspect est loin d'être négligeable compte tenu des crises alimentaires, climatiques et énergétiques. 

Dans ce congrès, Ensemble ! a donné son point de vue sur la situation du front de gauche aux délégations intéressées par notre mouvement et voulant établir des contacts. Le débat devrait commencer sur quelles relations établir avec le PGE : adhésion, observation ou partenariat ? 

La délégation d’Ensemble ! à Madrid : Myriam Martin, Roberto Morcillo, Richard Neuville, José Tovar et Flavia Verri.

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