mardi 13 janvier 2015

PEDIGA Allemagne : la digue tient, pour le moment ...., par Jean-Jacques Boislaroussie


Dans une Europe travaillée par les formations d’extrême droite ou de droite extrême, xénophobes et islamophobes, l’Allemagne est restée relativement épargnée. L’Histoire de ce pays, le travail critique qui y a été accompli après la guerre ont évidemment joué un grand rôle. Les tensions sociales et les peurs identitaires qui traversent l’ensemble du continent ne l’épargnent pas, mais la parole politique d’extrême droite est restée longtemps marginalisée et rejetée. 

Le NPD, parti d’extrême droite fondé en 1964 a connu des succès conjoncturels ou dans quelques Länder de l’ancienne RDA, mais n’a jamais pu accéder au Bundestag. Un de ses représentants a été élu au Parlement européen en 2014, mais avec 1 % des suffrages... 

Ses liens avec la myriade de groupuscules ultra-nationalistes et avec la scène néo-nazie dans la jeunesse sont avérés . Il conteste la « culture de la culpabilité » dans la société Allemande ce qui le conduit à cultiver des positions révisionnistes. Autres éléments : la défense d’une « communauté populaire allemande » contre l’immigration, le durcissement du droit d’asile et une articulation entre nationalisme et antilibéralisme avec le slogan Sozial geht nur national (« le social ne peut être que national »). 


Son extrémisme lui laisse peu de chances de sortir de la marginalité politique, mais il peut s’insérer dans des processus de radicalisation dans la société. 

La brève tentative des Republikaner, pour partie issus de la droite de la CSU (parti social-chrétien dominant en Baviere) de construire dans les années 80 une « droite décomplexée » s’est rapidement soldée par un échec. 

Dans la période la plus récente, plusieurs éléments peuvent aboutir à remettre en cause le postulat de base de la politique allemande qu’est l’impossibilité d’un parti significatif à droite des chrétiens-démocrates. 

L’émergence en 2013, puis le développement rapide, de l’AfD (Alliance pour l’Allemagne) est un processus complexe. Ce parti est issu pour partie de secteurs droitiers de la démocratie-chrétienne et de personnalités du monde économique. Il se définit d’emblée comme un parti modéré mais antiEuro. Position radicalement nouvelle dans un pays ou la critique du passé nazi s’est appuyée a la fois sur l’idée de la nation comme identité constitutionnelle et sur une acceptation a-critique de la construction européenne comme horizon post-national. Le parti considère que l’Allemagne a trop payé pour les autres, et réclame le retour au D Mark, enfin il se réclame d’une Europe des Etats. 

Le premier succès majeur pour AfD a été obtenue aux Européennes de 2014 avec 7 % des suffrages et sept élus. Son profil est évidemment éloigné de celui des formations de droite extrême en Europe, mais il est inévitablement traversé par la tentation de capter pour partie la poussée anti-immigration qui se manifeste dans la société, notamment pour élargir sa base sociale dans une partie des classes populaires. 

 Car dans la société se manifestent des tendances à la radicalisation identitaire, accentuées par la peur de flux d’immigration en nette hausse et de l’activisme de certains courants salafistes qui, il y a quelques mois, ont affronté dans la rue les partisans de la lutte du peuple kurde, notamment lors de manifestations initiées par le PKK. 

Les premiers symptômes, assez marginaux, sont l’émergence de mouvements comme HoGeSa (Hooligans contre les Salafistes) qui, notamment a travers une forte présence sur les réseaux sociaux, ont mobilisé une coalition de supporters souvent violents et de groupuscules d’extrême droite avec pour objectif de « reprendre la rue aux islamistes » Plusieurs milliers de personnes ont ainsi manifesté parfois violemment l’automne dernier dans l’Ouest du pays. Le risque potentiel de ce processus est de constituer une base militante durable pour les néo-nazis. 

Une large coalition perdure contre cette poussée, regroupant les secteurs Antifa et, très au delà, les Eglises et partis politiques. Cette coalition est confrontée à de nouveaux défis par le mouvement Pegida. Celui ci reste pour le moment ancré principalement à Dresde, en Saxe , ou l’extrême droite est présente, il se développe au cœur même de la population. 

S’expriment en vrac le refus de l’immigration et des « abus du droit d’asile » , l’exigence d’une « tolérance zéro » contre les groupes religieux radicaux, la crainte de l’islamisation de la société allemande . Une protestation qui sde traduit parfois de manière déroutante, comme la reprise par la foule de chants de Noël comme « Stille Nacht ». 

Ce phénomène d’identification collective contre l’immigration et l’Islam entre en résonance avec ceux observés dans d’autres pays européens. La phénomène reste marginal dans la rue ailleurs qu’à Dresde, et des manifestations importantes s’y opposent au nom du « vivre ensemble » dans plusieurs villes. Mais des enquêtes d’opinion révèlent un potentiel important de sympathie pour les thèses de Pegida dans toute l’Allemagne. La digue tient encore, pour le moment. 

Jean-Jacques Boislaroussie (11 janvier)

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