mardi 17 novembre 2015

Daesh dans Paris, par Tariq Ali


L’historien et romancier britannique Tariq Ali nous a autorisés à traduire un texte publié au lendemain des attentats de Paris. Il s’y interroge sur la pertinence de la politique étrangère française, les origines de Daesh et les fragilités du Moyen-Orient. 

Daesh a donc revendiqué les attentats commis à Paris comme une réponse adressée à la France dont les forces, au Moyen-Orient, bombardent le "califat". 

Il est indéniable que Hollande et Valls sont des bellicistes. L’ironie de l’histoire veut que ces derniers se soient même apprêtés à renverser le régime d’Assad (jusqu’à ce que Washington n’impose un délai à leurs visées), ce qui aurait fait d’eux des alliés de Daesh dans la région. 


De fait, la majeure partie de l’opposition syrienne considère Assad comme l’adversaire principal, et espérait également que l’intervention de l’Occident produirait un changement de régime. En aurait-il été ainsi qu’une nouvelle guère civile aurait aussitôt éclaté entre groupes djihadistes rivaux – et qui sait lequel, ou lesquels d’entre ces groupes les États-Unis et l’Europe auraient choisi de soutenir. 

Daesh a frappé la capitale française, assassiné plus d’une centaine de ses concitoyens, et meurtri plus du double.  Je sais fort bien que l’Occident agit de même et, en vérité, assassine des dizaines de milliers de civils, mais ce clash des fondamentalistes ne conduit nulle part. L’Occident n’est pas moralement supérieur aux djihadistes. 

En quoi une exécution publique au moyen d’un glaive serait-elle pire qu’une attaque de drone sans discernement aucun ? On ne peut apporter son soutien ni à l’une, ni à l’autre. 

On a souvent attiré l’attention sur le fait qu’Al-Qaïda et Daesh étaient toutes deux des conséquences des guerres impérialistes menées en Afghanistan et en Iraq mais, si c’est indubitablement le cas, cette remarque est à soi seule insuffisante. 

Il faut également prendre en compte le suicide des mouvements nationalistes et séculiers, ainsi que l’impuissance des petits mouvements progressistes, qui sont tous deux, dans la région, le résultat de la répression et d’un déclin dans les masses populaires. Ce processus a mis le régime saoudien au centre du jeu, et Al-Qaïda et Daesh agissent toutes deux sous l’influence du wahhabisme qui représente une petite minorité à l’intérieur de l’Islam sunnite. 

Trois conditions importantes sont requises pour stabiliser à nouveau la région : en finir avec le soutien occidental apporté à la famille royale saoudienne au sens large ; en finir avec toute intervention occidentale dans la région ; la création d’un état binational Israël/Palestine, qui assure des droits égaux à tous ses concitoyens. 

Aussi longtemps qu’il n’en ira pas ainsi, d’effroyables créatures politiques [political freaks], des monstres continueront de prospérer et proliférer.

Rien ne saurait justifier le meurtre d’innocents, à Paris ou dans quelque ville de la péninsule arabique. 

Tariq Ali, le 14 novembre 2015. Traduction Gildas Le Dem, www.regards.fr

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire