vendredi 29 avril 2016

Le Brésil à l'heure de l’« impeachment », par Tárzia Maria de Medeiros e João Machado


Le vote à la Chambre des députés le 17 avril, qui a approuvé l'installation du processus de destitution de Dilma, a été un théâtre d'horreurs. Il a révélé ce que nous soupçonnions déjà : le Parlement brésilien est, en fait, composé de ce qu'il y a de plus fondamentaliste, de plus dépolitisé, conservateur, raciste, misogyne et illégitime, comme cela n’a jamais existé jusque là dans l'histoire de cette maison. 


Les députées et députés se succédèrent dans leurs déclarations de vote dédiées « à Dieu, à la famille, aux enfants, à mon pays... » et la pire des déclarations a été émise par le député Jair Bolsonaro, qui a dédié son vote au colonel Ustra, un des principaux tortionnaires et assassins de la dictature militaire, qui a torturé la Présidente Dilma Rousseff, lorsqu'elle a été piégée dans les caves de ce régime d'exception, dans lequels des centaines de militants politiques ont été assassinés.

Des nombreux députés ont justifié le soutien à la mise en accusation de la Présidente par la grande impopularité du gouvernement de Dilma et par la corruption associée au Parti des travailleurs. Cela n'a aucun sens : Temer et le PMDB, selon les sondages, sont aussi impopulaires que Rousseff et participent plus directement qu'elle aux affaires de corruption qui ont été révélées. Environ 60 % de la population défend la démission ou la destitution des deux (Rousseff et Temer).

Le PSOL, avec son groupe de six députés au Parlement, a pris position contre l'impeachment parce qu'il estime que ce processus n'a aucune légitimité et qu'il est une farce complète.

Bien que la gauche socialiste s'est positionnée majoritairement, et correctement, contre le coup d'État et pour la défense de la « démocratie » existante au Brésil (une partie minoritaire de la gauche socialiste, sans représentation parlementaire, a défendu l'abstention lors du vote du dimanche 17), tous ces épisodes nous confortent sur la nécessité de réfléchir quant aux différences et limites qui existent entre les droits démocratiques du peuple et la défense de l'Etat démocratique de droit et de la démocratie représentative.

Une partie considérable de la population brésilienne connaît seulement le bras armé de l'Etat. Pour eux, comme disait José Saramago, « la démocratie est une espèce de Sainte à l'autel dont on ne peut plus à attendre de miracles ». Travailleurs, jeunes, noires et noirs, cantonnés dans les périphéries des villes, dans une véritable guerre civile et hygiéniste, méconnaissent ce qu'on pourrait appeler une démocratie et même l'État démocratique de droit.

Étant donné que la « démocratie » a été « séquestrée, conditionnée, amputée », et que les droits acquis péniblement, garantis dans les clauses immuables de la Constitution sont levés par la démocratie représentative, dominée par le pouvoir économique, alors il ne reste seulement qu’à revendiquer la Démocratie Réelle Immédiatement, conquise dans les rues et dans les luttes à 99 %, arrachée à contrecœur du 1 % des puissants de ce monde, comme une alternative de résistance et de possibilités d'avancées.

De plus, d’un autre coté, il faut dénoncer les mesures qui ont déjà commencé à se mettre en œuvre avec le gouvernement Dilma pour affronter la crise économique, et qui pénalisent les couches les plus pauvres, ainsi que les mesures anti-démocratiques, telles que la Loi anti-terrorisme. Le PSOL, par le biais de ses instances et de ses porte-paroles, se positionnne contre l'ajustement budgétaire et le retrait des droits des travailleurs, de l'établissement de la sous-traitance et de la nouvelle réforme des retraites, contre la criminalisation des luttes.

Il est vrai qu'une nouvelle étape de résistances et de changements s’annonce. Rousseff est toujours Présidente, pendant quelques semaines, jusqu'à ce que le Sénat confirme l'ouverture de mise en accusation, c’est vraie. Mais il est clair qu'elle ne gouverne plus. Cependant, cela ne signifie pas la fin du processus : les crises économiques et politiques ont tendance à s'intensifier. Le probable gouvernement de Michel Temer devra faire face à une forte résistance et fera appel à une répression accrue, profitant de lois adoptées pendant le gouvernement de Dilma.

Face à l'illégitimité du Congrès national et Temer, c’est le  peuple, convoqué par le biais de mécanismes tels que plébiscites, référendums ou élections générales, qui devrait conduire le destin du pays. Cependant, il y a peu de possibilité de retournement de la situation au sein des institutions. Il s'agirait d'un processus obligatoirement combinée avec l'occupation des rues, les luttes et les campagnes déjà en cours. Tout processus de lutte et de résistance passe par les mouvements sociaux qui sont des protagonistes de la scène politique de notre histoire du moment.

Une question clé, bien sûr, est l'unification de la gauche, tâche difficile en ce moment. Les secteurs qui ont été en opposition à la gauche des gouvernements PT, divisés en ce moment, devraient se réunifier. Mais qu'en est-il des secteurs encore identifiés avec le PT, qui seront alors dehors du gouvernement fédéral ? Comment réagiront-ils ?

Il y a besoin d'articuler la dénonciation du coup d'Etat avec les droits populaires, pour la réalisation des vraies réformes (agraire, urbaine, fiscale, politique), aux côtés des revendications historiques, mais jamais réalisées, comme, par exemple la délimitation des terres indigènes et « quilombolas », une réorientation radicale de la politique relative au climat et à l'environnement par exemple, qui constituent les luttes du peuple brésilien. La résistance aujourd'hui est fondamentale, y compris pour arrêter la criminalisation de ces mouvements et combats populaires.

Ce qu'exige l'actuelle conjoncture, c’est la construction, en même temps, de l'unité de la gauche et des forces populaires et d'une plate-forme de luttes pour faire avancer nos combats.

Du Brésil, Tárzia Maria de Medeiros e João Machado, membres du PSOL.

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