mardi 2 août 2016

Chine. Le récit de l’exploitation et de la lutte d’un ouvrier, par Hao Ren, Zhongjin et Eli Friedman


Dans le régime en Chine, le syndicalisme indépendant est strictement interdit et l’organe syndical officiel monopolise la représentation des travailleurs. Cela signifie que les 806’498’521 travailleuses et travailleurs du pays n’ont pas le droit de créer des organisations indépendantes pour la défense de leurs intérêts, cela dans une économie où 25 % des foyers les plus pauvres possèdent à peine le 1 % de la richesse totale du pays et où les longues journées de travail, le manque de sécurité et l’autoritarisme caractérisent la vie dans les usines.


Cette interdiction officielle n’a pas pu empêcher des manifestations de la résistance ouvrière. Le nombre de grèves a augmenté au cours des deux dernières décennies et, comme l’a écrit Eli Friedman l’année passée, « durant un jour quelconque, il y a probablement entre 6 et plusieurs douzaines de grèves en cours ». Les ONG de défense des droits des travailleurs s’impliquent de plus en plus et sont davantage visibles, même si elles doivent intervenir dans des conditions très difficiles. Comme l’Etat chinois nie la légalité, voire l’existence de ce phénomène croissant, il est relativement peu traité et peu analysé. C’est aussi la raison pour laquelle l’ouvrage China on Strike : Narratives of Workers’ Resistance (La Chine en grève : récits de résistance ouvrière, publié par Haymarket Books, mai 2016) vient combler une lacune importante. Les récits contenus dans l’ouvrage ont été recompilés par des étudiants universitaires, des travailleurs et des militants chinois qui se sont introduits dans des communautés de travailleurs et sur des lieux de travail, dans le but non seulement d’enregistrer leurs histoires, mais aussi de dépeindre une feuille de route de la résistance pour d’autres travailleurs.

L’extrait ci-dessous donne un reflet des péripéties de la vie d’un travailleur et décrit une grève concrète qui a eu lieu dans la ville du sud de Shenzen. Il explique les causes sous-jacentes de la grève et raconte comment les travailleurs se sont mis d’accord sur une action et une plateforme revendicative avant de décrire le résultat final de l’action. Le récit montre les circonstances extraordinaires que les travailleurs chinois doivent affronter, mais aussi le potentiel transformateur du mécontentement croissant de la classe ouvrière.

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Je viens de la province de Guizhou, où je suis né en 1980. Je suis le troisième de six frères et sœurs et je suis parti de la maison pour chercher du travail parce que mon niveau d’éducation était bas et ma famille pauvre. Au début j’étais bon à l’école et recevais des notes de 80 ou 90 sur 100. J’ai donc sauté une classe, mais mes notes ont commencé à se dégrader. A cette époque je devais travailler de 5 heures du matin jusqu’au début des classes à 8 heures. C’était très fatigant et j’ai quitté l’école quand j’étais en cinquième. Je pensais aussi que cela mettait trop de pression sur ma mère. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas voulu poursuivre ma scolarité et que j’ai préféré soutenir les études de ma sœur cadette.

Après avoir quitté l’école j’ai obtenu en cachette un travail dans la mine de charbon locale, où j’étais payé 450 yuans pour 14 jours de travail. Un jour, à 8 heures du matin, il y a eu une explosion de méthane et quatre d’entre nous avons été ensevelis à plus de 20 mètres sous terre. La brigade des secours creusait depuis l’extérieur en direction du lieu où nous nous trouvions et nous creusions en leur direction depuis l’intérieur. Nous n’avions pas de nourriture et c’était épuisant de creuser. Ce n’est qu’à 5 heures, le lendemain matin, que nous avons finalement été secourus.

Nous étions tous les quatre blessés. J’avais été frappé derrière la tête par un caillou ; une autre personne avait le bras cassé, la troisième avait une déchirure au dos et la quatrième avait reçu une pierre sur le front. Heureusement aucun d’entre nous n’avait de blessure grave.

Le patron a payé les frais médicaux, mais ne nous a pas versé de compensation. Mon neveu a tenu le seul enfant du patron, un garçon de 3 ans, par la fenêtre du 4e étage et a menacé de le laisser tomber s’il ne payait pas. Le patron a rapidement accepté. J’ai reçu 50 yuans et les autres ont reçu 100 yuans chacun.

En 1996, j’ai quitté la maison et je suis parti à la recherche d’un travail. D’abord, je me suis rendu sur l’île de Hainan à la recherche de mon frère aîné qui devait s’y trouver, mais je n’ai pas réussi à le localiser. Je devais me déplacer en cachette à travers l’île.

J’ai passé un Nouvel An triste et seul en travaillant dans une fabrique de briques. J’ai dit au patron que je mangerais chez lui et travaillerais pour lui après Nouvel an. Il m’a dit que ça ne faisait rien et que je pouvais manger avec lui aussi longtemps que je voulais. Il avait besoin d’employés à ce moment-là et je suppose qu’il pensait que je pourrais l’aider. J’avais 16 ans. En réalité je ne pouvais pas travailler beaucoup.

Le troisième jour après le Nouvel An, je me suis enfui et ai retrouvé mon frère le lendemain. Il avait un enfant d’à peine 6 mois, et je m’en suis occupé jusqu’à ce qu’il ait 18 mois. Ensuite j’ai trouvé du travail dans une plantation de bananes. J’aidais au désherbage, à l’aspersion avec des produits chimiques de la récolte et d’une manière générale je m’occupais des bananiers. Mon salaire mensuel était de 400 yuans pour des journées de huit heures. Je travaillais de l’aube au coucher du soleil. Je faisais pousser des légumes pour ma consommation et celle de mon frère. J’élevais aussi une quarantaine de poules. C’est ainsi que j’ai pu économiser 300 yuans par mois pour envoyer à ma famille.

En 1999 je me suis rendu à Shenzen. Au début, je n’avais pas l’intention d’y aller, mais ma sœur aînée m’a persuadé en me disant qu’on pouvait y gagner 600 yuans par mois. J’ai trouvé que ce n’était pas mal, et j’y suis allé.

En 2000 je ne trouvais de travail. A part pour les repas, je n’osais pas quitter la maison parce que ma carte d’identité n’avait pas été renouvelée et je craignais d’être arrêté par la police pour n’avoir pas un permis de résidence temporaire. Un de mes problèmes était de ne pas avoir une carte d’identité ; l’autre était que pour obtenir un travail il fallait avoir des relations personnelles. J’ai cherché dans beaucoup d’endroits, mais sans rien trouver. On m’a souvent demandé mon permis de résidence temporaire, et j’ai retrouvé de bonnes et de mauvaises personnes. Une fois j’ai rencontré une personne de ma ville natale qui s’est apitoyée sur mon sort et m’a donné 10 yuans pour acheter de la nourriture.

Une autre fois mon neveu et moi avons été arrêtés sur un pont par une patrouille de police. Mon neveu s’est échappé, mais ma famille a dû verser 50 yuans pour me faire libérer. Une autre fois j’ai été arrêté avec six ou sept autres personnes et on nous a demandé 200 yuans. Nous avons protesté en disant que nous n’avions pas autant d’argent. En réalité nous en avions tous un peu, et j’avais caché 50 yuans dans mes chaussettes. Finalement ils nous ont fait désherber un parterre de fleurs. Quand nous avons fini de désherber et que j’ai vu que personne ne nous surveillait, nous nous sommes enfuis.

En 2000 j’ai versé 1000 yuans pour avoir un travail à l’usine K. Il s’agit d’une compagnie qui dépend d’investissements de Hongkong. L’usine fabrique des brosses à dents électriques, des cuvettes de massage des pieds, des cuisinières électriques et ainsi de suite. Plus de 8000 personnes y travaillaient
L’organisation du travail était la suivante : on travaillait 26 jours par mois et huit heures par jour pour un salaire de base de 23 yuans par jour. Il y avait deux équipes, et les repas comptaient comme heures supplémentaires. Nous recevions gratuitement un nouvel uniforme de travail tous les six mois. La direction nous remettait un sac de poudre à lessive et une paire de gants tous les mois.
A cette époque j’ai fait la connaissance d’un homme de ma ville natale qui avait quelques relations à la fois avec la police et avec certaines personnes de la direction de la firme. Il gagnait de l’argent en recrutant des gens pour l’usine. L’usine K ne recrutait jamais directement les travailleurs, tous les travailleurs passaient par ce gars et une autre personne du Sichouan. Par conséquent, la plupart des gens de l’usine venaient des provinces de Sichouan ou de Guizhou. Certains venaient aussi de quelques villes du nord de la province de Guangdong et ils étaient également entrés comme salariés à l’usine par le biais de gens de leurs villes. En fait il n’y avait aucun moyen de trouver un emploi dans l’usine par soi-même. J’ai entendu que ceux qui le tentaient étaient tous renvoyés.
J’ai travaillé dur dans cette usine et j’ai bientôt été promu à la tête de mon équipe de travail et plus tard à la tête de la section. Comme je n’avais pas beaucoup d’éducation, la direction m’a fourni un assistant. Dans cette usine le chef d’une équipe de travail était responsable de seize machines et chaque machine était actionnée par deux ou trois personnes. Un chef de section supervisait plusieurs chefs d’équipe.

L’organisation secrète d’une grève

A cette époque la situation de la nourriture de la cantine était déplorable. Nous trouvions souvent des insectes dans le riz. Une fois j’en ai mordu un et cela m’a enlevé toute envie de remettre les pieds à la cantine. Mais après avoir mangé des nouilles instantanées pendant trois jours j’ai quand fini par y retourner.

Un autre problème était que l’usine nous facturait 20 centimes pour un seau d’eau chaude. A la fin du mois la facture se montait à 20 ou 30 yuans. Cela mécontentait tout le monde.
Pendant une l’équipe de nuit, cinq chefs d’équipe (deux hommes et trois femmes) se sont réunis pour discuter d’une grève. Ils sont venus me voir et on a été discuter au bureau. Trois ou quatre assistants nous ont vus et ont voulu nous rejoindre. Nous avons discuté de la possibilité de bloquer une grande route nationale et envisagé les difficultés qui pouvaient arriver et comment les résoudre.

Nous avons convenu que :
  • si la police battait, blessait ou tuait un de nos gens, nous allions gérer la situation ensemble ;
  • si l’un de nous tombait alors que nous bloquions la route nous devions immédiatement le / la ramasser, pour éviter qu’il / elle ne soit piétiné, peut-être à mort ;
  • si les organisateurs de la grève étaient découverts ou s’il y avait d’autres problèmes, les deux hommes de l’équipe en prendraient la responsabilité.
Après la fin de la grève, un appel de dons serait fait pour compenser leurs pertes salariales.
En réalité les choses se sont passées de manière assez proche de ce que nous avions imaginé. Nous avons également débattu afin de savoir si nous voulions que toutes les personnes travaillant à l’usine sachent ce que nous préparions. Nous ne voulions pas que les lèche-bottes soient au courant, de peur qu’ils ne divulguent nos projets. Si nous ne gérions pas bien la situation, nous pouvions perdre notre gagne-pain.

A l’époque il y avait deux équipes de travail. Les assistants et les chefs des équipes ont imprimé ensemble un grand nombre de tracts sur lesquels était inscrit : « Demain à 8 heures du matin, convergez vers la route nationale ! » Certains chefs d’équipe ont demandé à leurs gens d’arrêter de travailler pendant 10 minutes. Plus de 300 travailleurs ont collé des tracts, couvrant quatre salles de machines. Ils les ont même collés dans le bureau du patron.

Quand les gens demandaient de quoi il s’agissait, nous leur disions que c’était le bureau qui l’avait organisé. Lorsque les travailleurs venaient demander comment nous avions organisé les choses nous n’osions pas leur donner des explications détaillées. Nous nous contentions de leur dire que nous devions tous aller à la route nationale et créer un tapage pour obtenir de meilleures conditions de travail. Nous n’osions pas donner des explications trop claires de peur qu’en cas d’échec les travailleurs nous accuseraient nous, les organisateurs.

Le déroulement de la grève

Le lendemain matin, à la fin de l’équipe de nuit, nous avons convergé vers le portail de l’usine, prenant les gardes de sécurité complètement par surprise. Nous les avons poussés de côté et forcé le portail. Craignant des violences, les gardes ont bouclé le portail derrière nous. En suivant les banderoles, nous avons rejoint la route nationale et l’avons complètement bloquée.

La plupart des travailleurs observaient le remue-ménage avec intérêt et beaucoup d’entre eux n’étaient pas au courant de l’objectif de cette ruée vers la route nationale. Ils voyaient des gens courir et se sont mis à les suivre. Apparemment les conducteurs qui ont été bloqués sur la route n’ont manifesté aucune colère. Certains qui se trouvaient sur un bus arrêté dormaient, alors que d’autres descendaient du véhicule pour fumer.

Au début de la manifestation, il y a eu des difficultés lorsque quatre officiers de police en patrouille nous ont aperçus en train d’envahir la route nationale et ont crié : « Qu’est-ce que vous faites ? » Ils sont venus et ont commencé à frapper les personnes présentes avec des matraques. Ils ont blessé quelques jeunes femmes qui ont commencé à mordre leurs assaillants. Un des officiers a été mordu au visage. Les hommes jeunes n’étaient pas suffisamment nombreux et nous étions éparpillés dans la mêlée, nous n’avons donc pas pu utiliser efficacement toute notre force.

Il y avait trop de gens dans ce chaos et il y a eu environ une douzaine de blessés, dont certains avaient été involontairement piétinés ou frappés. Ceux qui se trouvaient au milieu de la foule étaient continuellement bousculés. Pour finir, des pompiers, des officiers de sécurité publique et même quelques policiers locaux sont arrivés sur les lieux. Les cars de police étaient parqués 400 mètres plus loin, mais nous n’avons vu personne avec des armes. Vu le nombre de travailleurs, ils n’auraient pas pu faire grand-chose si quelqu’un s’était emparé de leur arme. Des officiels du bureau de travail sont arrivés avec de l’argent pour envoyer les blessés se faire traiter à l’hôpital.

Lorsque les policiers sont arrivés, ils ont commencé à nous pousser vers le bord de la route. Ils ne nous ont pas frappés, mais ils ont utilisé leurs matraques pour former un mur solide pour nous pousser en arrière. Au premier rang il y avait des femmes qui n’offraient pas de résistance. S’ils avaient commencé à frapper les gens nous n’aurions probablement pas pu riposter contre des policiers professionnellement entraînés. Après deux ou trois heures nous avons lentement été poussés sur le côté de la route. Après quoi nous avons regagné l’usine en ordre dispersé.

Le retour à l’usine et les négociations

Ceux d’entre nous qui avions bloqué la route étions tous des travailleurs de l’équipe de nuit. Mais il y avait quelques personnes de l’équipe de jour qui nous avaient rejoints, même si elles ne savaient pas de quoi il s’agissait.

Deux mille travailleurs de l’usine avaient été enfermés dans leurs dortoirs par la police locale. Il y avait un policier à chaque portail et escalier, ils étaient probablement environ 400 en tout. Les jeunes femmes étaient particulièrement en colère. Elles jetaient tout ce qu’elles trouvaient sous la main, parfois en visant les policiers. Quelque 400 à 500 travailleurs se sont rendus à la cantine et ont versé par terre toute la nourriture pour 8000 travailleurs.


Lorsque nous sommes rentrés après le blocage de la route, un des gérants a hurlé à l’aide d’un mégaphone : « Si quelqu’un a une plainte, qu’il parle ! ». Ensuite il a ordonné qu’on lui envoie une délégation pour des négociations. Pour nous représenter nous avons élu un jeune homme qui était le chef du département du personnel de l’usine et qui avait une certaine éducation.

Puisque tout le monde était d’accord, il n’a eu d’autre choix que d’accepter, et le directeur lui a demandé d’aller négocier. La première question à discuter était une augmentation salariale. Le chef du personnel nous a demandé quelles étaient nos revendications. Les personnes qui étaient devant ont dit qu’ils voulaient une augmentation et les autres ont crié leur accord.

Ensuite le chef du département du personnel a transmis cette information au directeur, qui a proposé une augmentation de 25 yuans par jour en demandant si nous l’acceptions.

La question suivante était celle de l’eau. Le directeur a dit qu’il ne savait pas que nous devions payer l’eau chaude et a immédiatement promis que nous pourrions désormais l’obtenir gratuitement. Il a admis qu’il y avait un problème avec la nourriture de la cantine et a promis que désormais nous pourrions choisir de manger à la cantine ou non. Ceux qui ne mangeraient pas à la cantine ne paieraient pas la nourriture de la cantine.

Nous avons retrouvé nos postes, mais personne ne s’est mis au travail ce jour-là. L’équipe a appelé à une réunion. Le directeur n’est pas intervenu, mais il a essayé de persuader les chefs d’équipe qui à leur tour ont essayé de convaincre les autres employés.

Le soir de la grève on a reçu une nourriture particulièrement abondante, avec beaucoup de plats de viande. Au lieu des deux plats habituels, nous en avons reçu quatre. Le troisième et le quatrième jour nous avons reçu une bouteille de cola et deux pommes chacun. Le jour de la grève, le gérant a aussi envoyé des responsables administratifs pour s’occuper des jeunes femmes qui récupéraient de leurs blessures à l’hôpital. Lorsqu’elles ont été rétablies, elles ont été réintégrées à l’usine et ont été mieux traitées. Aucune d’entre elles n’avait envie de partir.

Les résultats de la grève

Suite à la grève les conditions à l’usine se sont en tout cas améliorées :
  • La qualité de la nourriture à la cantine s’est améliorée. On n’y trouvait plus d’insectes. Pour chaque insecte qu’on trouverait dans la nourriture, on recevrait 50 yuans. Quand une travailleuse a trouvé un insecte dans sa nourriture, un garde de sécurité a fait une photo et l’après-midi même on lui a dit qu’elle pourrait encaisser les 50 yuans.
  • Auparavant on déduisait de nos fiches de paie l’argent pour des repas à la cantine, même si on n’y mangeait pas, on ne payait désormais que les repas consommés.
  • L’eau chaude était fournie gratuitement.
  • Le salaire quotidien a été augmenté d’entre 23 à 25 yuans, et le mois de travail de 26 jours a été réduit à 22 jours.
Un gérant japonais qui est venu a mis un terme à la consommation de fruits et de boissons dans les ateliers, parce que les bouts de fruits et les gouttes de boisson parterre attiraient des moustiques et des mouches, ce qui avait des incidences sur la production. En outre les sols du dortoir n’étaient balayés qu’une fois par semaine.

Les chefs d’équipes qui avaient été en première ligne lorsqu’il s’est agi de bloquer la route nationale, étaient également les premiers – les travailleurs l’avaient bien compris – à se mettre en avant quand la direction cherchait des négociateurs.

Certains des chefs d’équipe et des employés du bureau étaient restés au travail et avaient refusé de participer au blocage de la route. Lorsque deux chefs d’équipe ont été arrêtés dans leur bureau, plus d’un millier de travailleurs ont entouré les cars de police qui étaient venus les arrêter. Pour finir ils ont quand même réussi à les emmener. Quand nous sommes revenus à l’usine nous avons refusé de recommencer à travailler pour deux jours.

Le directeur a demandé à la police de relâcher les détenus. Lorsqu’ils ont été relâchés ils ont été licenciés sans être payés. Presque tous les travailleurs ont contribué 5 yuans pour compenser la perte de revenu des deux chefs d’équipe qui avaient organisé la grève. Ceux qui n’ont pas contribué étaient mal vus.

La participation de trois cheffes d’équipe dirigeantes et des assistantes de bureau a été gardée secrète. Elles n’ont donc pas été arrêtées. Plus tard, elles ont quitté l’usine l’une après l’autre, peut-être parce qu’elles avaient peur. Je suis aussi parti pour m’occuper de ma femme. Un directeur général avec beaucoup d’années d’expérience a aussi donné volontairement sa démission à cause de la grève. (Article paru sur le site Jacobin en juillet 2016 ; traduction A l’Encontre)
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Hao Ren a travaillé pour une ONG s’occupant des questions du travail jusqu’en 2010, puis a travaillé dans diverses usines. Zhongjin Li travaille dans le département d’économie de l’Université du Massachusetts ; Eli Friedman est professeur de droit du travail international auprès de l’Université Cornell.

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